Axel Botte, Head of Market Strategy, Ostrum AM
Après une série historique de hausses des taux d’intérêt, afin de combattre le réveil de l’inflation, les banques centrales sont en train de changer leur fusil d’épaule. Pour la première fois, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui a pris les devants en diminuant ses taux avant la Réserve fédérale (Fed). A l'issue de sa réunion de politique monétaire du jeudi 6 juin, a été annoncée une baisse des taux directeurs d'un quart de point. Son taux de dépôt est ainsi passé d'un niveau record de 4 % à 3,75 %. La veille, la Banque du Canada l’avait précédée. Deux nouvelles baisses, d’a priori chacune 25 points de base, sont attendues du côté de la BCE, sans doute en septembre, puis décembre. La Fed a de son côté déjà commencé dans un premier temps à ralentir sa politique de contraction du bilan. Elle devrait logiquement enchaîner avec deux baisses de taux au deuxième semestre. Dans ce paysage homogène, le Japon se distingue : afin de soutenir le yen, la banque centrale s’apprête à relever ses taux.
Ce choix quasi général d’aller vers un allègement monétaire peut paraître précoce au regard de l’inflation qui demeure relativement élevée en zone euro comme aux Etats-Unis. Les banques centrales l’assument toutefois car elles craignent que les politiques de taux élevé deviennent trop restrictives. Les tergiversations de la banque d’Angleterre traduisent d’ailleurs bien cette tension. L’institution devrait logiquement baisser ses taux en août, malgré les inquiétudes autour du niveau élevé de l’inflation dans les services. Pour les marchés financiers, ce mouvement de baisse de taux représente une bonne nouvelle. Les investisseurs ont intérêt à en profiter en redéployant les capitaux qu’ils avaient pu garder en réserve. Sur les marchés de taux, ils favoriseront les dettes souveraines et les titres high yield (à haut rendement car risqués). Comparativement, le monétaire perd en effet de l’intérêt.
Côté souverain, à la fin de l’année les rendements à dix ans américains pourraient se maintenir autour de 4,30 % tandis que le Bund allemand devrait tourner autour de 2,5 %, voire un peu moins en fin d’année. La stabilité des spreads souverains figure d’ailleurs parmi les surprises du premier semestre. Même confrontés à des chocs comme la dégradation de la France par Standard & Poor’s ou les difficultés budgétaires italiennes, les spreads n’ont évolué qu’à la marge. Le résultat des élections européennes a mis un terme à cette période d’accalmie. La dissolution de l’Assemblée nationale en France a engendré une forte tension des spreads sur l’OAT. Les spreads devraient néanmoins se stabiliser une fois la situation politique clarifiée.
Du côté du crédit corporate, les spreads devraient aussi bien se tenir. Pour s’exposer à la phase d’amélioration de l’activité en zone euro, il pourrait être alors intéressant d’acquérir des titres investment grade (bien notés par les agences) européens, semblant plus attractifs pour encore quelque temps que leurs équivalents américains. Les épargnants qui souhaiteraient gagner du rendement pourraient favoriser les obligations plus risquées, les high yield. Leur taux de défaut nous semble raisonnable, autour de 3 %, soit largement en dessous de leur moyenne de moyen terme.
Les analyses et les opinions mentionnées représentent le point de vue de l’auteur. Elles ont été émises le 10 juin 2024 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Les références à des valeurs mobilières, des secteurs ou des marchés spécifiques dans le présent document ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation ou une sollicitation d’achat ou de vente de valeurs mobilières, ou une offre de services. Tout investissement comporte des risques, y compris le risque de perte en capital. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.