Léa Dunand-Chatellet, Directrice de l’Investissement Responsable – DNCA Finance
Certes, les fonds ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) ont essuyé une décollecte de 1,2 milliard d'euros au premier trimestre 2025 dans l'Union européenne. Cette tendance ne doit toutefois pas masquer la réalité : souveraineté et développement durable forment désormais un tandem indissociable dans la stratégie européenne.
Une approche européenne transversale
La Commission européenne a multiplié les actes délégués pour couvrir les secteurs jugés critiques pour la pérennité de l'Union. La santé figure en première ligne avec le Critical medicines Act, qui vise à sécuriser l'approvisionnement en médicaments essentiels. Le Chips Act encadre quant à lui la souveraineté technologique européenne en matière de semi-conducteurs, tandis que l'intelligence artificielle au global bénéficie d'un cadre réglementaire spécifique et un statut de pilier de l’innovation affectant tout le reste des secteurs.
L'énergie demeure naturellement une aile centrale de cette démarche. Le plan REPowerEU et le Pacte Vert pour l’Europe convergent vers l'objectif d'indépendance énergétique par la mobilité verte et le retrait progressif d’utilisation d'énergies fossiles d’ici à 2050. S'y ajoutent les secteurs financier, agroalimentaire et, plus récemment, la défense avec le plan ReArm Europe. Cette diversification sectorielle rappelle un principe fondamental de l'investissement : miser sur un thème ne signifie pas se concentrer sur un seul secteur. La souveraineté européenne, portée par des plans de relance ambitieux, offre ainsi un terrain d'investissement particulièrement large.
Des synergies naturelles
Loin de s'opposer, souveraineté et développement durable se nourrissent mutuellement. L'énergie, la santé et l'agroalimentaire s'inscrivent naturellement dans les deux logiques. Même la défense, secteur traditionnellement exclu des approches ESG, trouve sa place dans cette convergence.
Le label ISR français et les classifications définies par les articles 8 et 9 de la commission européenne sur la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) n'interdisent d'ailleurs pas l'investissement dans les acteurs de la défense et de la sécurité, à condition d'exclure les armements controversés. Cette souplesse réglementaire ouvre la voie à des stratégies d'investissement plus inclusives. La souveraineté et le développement durable sont ainsi deux axes très importants à lier, partie intégrante des stratégies des entreprises dans la défense.
L'innovation au service de la résilience
Les entreprises du secteur défense intègrent déjà les enjeux climatiques dans leurs stratégies. Les industriels de l'armement aéronautique et l’armée française ont récemment alerté sur la nécessité de réguler les températures : en effet, par plus de 40 à 45 degrés à l’extérieur, un hélicoptère peine de plus en plus à décoller. Dans le spatial, la problématique des débris en orbite pose l’enjeu de nettoyage de l'espace comme impératif sine qua none pour pouvoir continuer à opérer de manière sécurisée et dans de bonnes conditions.
Ces exemples illustrent une réalité : le réchauffement climatique et le développement durable ont un impact assuré sur la finance, et doivent consister en un levier d'innovation et de compétitivité. Pour les investisseurs, cette évolution ouvre des perspectives d'investissement durable dans des secteurs porteurs de croissance à long terme, tout en répondant aux impératifs de souveraineté européenne.
Les analyses et les opinions mentionnées représentent le point de vue de l’auteur. Elles ont été émises en juin 2025 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Les références à des valeurs mobilières, des secteurs ou des marchés spécifiques dans le présent document ne constituent en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation ou une sollicitation d’achat ou de vente de valeurs mobilières, ou une offre de services. Tout investissement comporte des risques, y compris le risque de perte en capital. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.