D’ici à 2050, la planète comptera 10 milliards d’habitants selon les Nations Unies. Pouvoir nourrir l’ensemble des populations, mieux gérer des ressources fragiles et limitées et prendre conscience du gaspillage alimentaire sont donc au cœur des préoccupations. En effet, l’agriculture intensive est responsable de la disparition de nombreuses espèces et milieux, et consomme 70 % des prélèvements d’eau douce dans le monde. L’équilibre entre biodiversité et agroalimentaire est délicat : les impacts sont disséminés dans toute la chaîne de valeurs depuis la production jusqu’à la consommation. Pour accompagner une transition plus responsable, le secteur financier réoriente déjà ses investissements afin de limiter l’impact carbone. Quels sont les enjeux liés à la biodiversité ? Quels impacts ont l’agriculture et la production alimentaire ? Comment peut-on financer une agriculture plus verte et durable ? Deux gérants experts de ces sujets, issus de sociétés de gestion d’actifs affiliées à Natixis Investment Managers, répondent en podcast à nos questions : Etienne Vincent, directeur de la Stratégie Quant et du Marketing chez Ossiam et Isabelle Pajot, Gérante Actions, Thematics AAA Consumer chez Thematics Asset Management.
Préserver la biodiversité : les défis de l’agroalimentaire
L’appauvrissement de la biodiversité représente un risque très important : selon le rapport de l’IPBES en 2019, le taux d’extinction des espèces est sans précédent et s’accélère depuis ces cinquante dernières années. Un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction sur les huit millions estimées sur Terre et plus de 60 % des populations d’animaux sauvages ont disparu au cours des 40 dernières années selon la WWF. L’une des premières menaces est liée à l’activité humaine avec l’agriculture intensive et la filière agroalimentaire qui exploitent les ressources de la planète. Les risques sont multiples : dégradation de la qualité des ressources et des milieux, explosion des maladies infectieuses, risques géopolitiques, changement climatique, etc. L’impact carbone de la filière de l’agroalimentaire est également important. Il se mesure à toutes les étapes, depuis la production jusqu’à la distribution où l’on parle de « carbone importé » avec la pollution liée au transport et à l’exportation alimentaire.
La filière agroalimentaire impacte donc la biodiversité de façon considérable, à différents niveaux, que ce soit du point de vue génétique, des espèces et des écosystèmes. Par exemple, le rôle pollinisateur des abeilles est vital dans la production agricole. Sans elles, 70 des 100 premières ressources agricoles consommées par l’humanité n’existeraient pas.
La consommation alimentaire joue également un rôle dans la dégradation de la biodiversité. La production de protéines animales est croissante ces dernières années. Or, elle requiert de vastes surfaces agricoles comme la mise en production de champs de soja pour nourrir les bétails. Il faut compter entre six à dix fois plus de protéines végétales pour produire des protéines animales. Cet effet multiplicateur est dévastateur si l’on considère que l’équivalent d’un terrain de football d’arbres est déforesté toutes les six secondes dans le monde. Entre 1990 et 2020, la Terre a perdu, en surface nette, 180 millions d’hectares de forêts, soit trois fois la taille de la France. Pour enrayer la « déforestation importée », la Commission européenne a publié en novembre 2021 un nouveau projet de règlement pour interdire la commercialisation dans le marché unique de l’Union européenne de produits issus du défrichement et de la dégradation des forêts : cela concerne le soja, l’huile de palme, le cacao, le café, le bœuf et le bois, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir ou l’ameublement. Au-delà de la déforestation, la protection des sols et l’accès à l’eau comptent également parmi les principaux défis soulevés par l’agriculture responsable.
L’adoption d’une approche durable par l’ensemble des acteurs
Tous les acteurs sont concernés par les enjeux d’une agriculture plus responsable. En premier lieu, les producteurs et les distributeurs alimentaires peuvent y contribuer et adopter une démarche plus éthique en rendant les produits plus propres, plus sains et plus équilibrés à la fois pour les consommateurs et pour la planète. Par exemple, les chaînes de grande distribution font de plus en plus la promotion des protéines végétales à la place des protéines animales émerge dernièrement pour réduire les impacts carbone liés à la production de viande.
Puis, la responsabilisation des entreprises et des grands groupes en particulier passe par l’accompagnement et le dialogue avec les sociétés de gestion d’actifs sur les sujets environnementaux, sociaux et de gouvernance à travers le vote dans les assemblées générales, le lobbying, et des démarches collectives ou régulatoires. Ces actions poussent les entreprises à formaliser des plans d’action crédibles et mesurables selon des objectifs ESG.
Enfin, l’adhésion et l’engagement des consommateurs est progressive : les comportements changent sensiblement en faveur de produits issus de l’agriculture équitable et biologique ou produits localement. La prise de conscience collective s’est développée car les consommateurs sont préoccupés par leur santé personnelle, la préservation de l’environnement, ou encore par la recherche d’une meilleure répartition des ressources.
Sources :
- https://www.natixis.com/natixis/fr/financer-durablement-la-filiere-de-l-agroalimentaire-rpaz5_134276.html
- https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf
- https://www.fao.org/forest-resources-assessment/2020/fr#:~:text=La%20superficie%20mondiale%20des%20for%C3%AAts,ann%C3%A9es%2C%20entre%201990%20et%202020.
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